Dans le Centre des nouvelles technologies de l’Université de Varsovie, un groupe de scientifiques travaille, sous la direction du professeur Jacek Jemielity, à l’élaboration d’un vaccin qui renforcerait le système immunitaire dans la lutte contre le cancer.

De nouvelles cellules cancéreuses apparaissent constamment dans notre organisme. Heureusement, elles ne peuvent pas survivre longtemps, car les mécanismes de défense de notre organisme sont en principe capables de les éliminer, avant qu’elles ne commencent à se multiplier et à provoquer la maladie. Mais parfois, à la suite de circonstances extrêmement défavorables, les mécanismes de défense ne réagissent pas assez vite pour être efficaces, et par conséquent une tumeur se développe. Le vaccin contre le cancer sur lequel travaillent les chercheurs, tout comme dans le cas des vaccins traditionnels, a pour mission de stimuler la création de forces spéciales – les lymphocytes T, appelés cellules tueuses, car ils empêchent le développement de la maladie.

– Quel est le mécanisme d’un vaccin contre le cancer ?

Jacek Jemielity : – À la surface des cellules cancéreuses, on trouve des protéines spécifiques, différentes de celles de la surface des cellules normales. Ces protéines sont appelées antigènes. Nous fournissons à l’organisme l’information génétique de l’antigène se trouvant à la surface de la tumeur qui menace le patient. La même protéine est produite par les cellules dans le corps du patient, et cela provoque la réponse immunitaire et la production des lymphocytes T, spécialisés pour détruire les cellules cancéreuses. Contrairement à la vaccination préventive, cela ne se fait pas avant l’apparition de la maladie, mais seulement dans le cas des personnes chez lesquelles le cancer a été diagnostiqué.

Cela signifie qu’on n’administre pas d’antigènes isolés, comme dans le cas des vaccins traditionnels, mais qu’on force l’organisme du malade à les produire. Comment est-ce possible ?

Nous utilisons l’ARNm, c’est-à-dire l’ARN à valeur informative, qui est crucial dans le processus de la production des protéines. Les protéines nécessaires à la construction et au fonctionnement des cellules du corps sont codées dans l’ADN des noyaux cellulaires. Elles sont produites à l’extérieur du noyau, dans le cytoplasme. Le plan d’une protéine n’est pas transmis du noyau au cytoplasme sous la forme originale de l’ADN, mais sous la forme d’une copie – c’est précisément la molécule d’ARNm. En modifiant l’ARNm et en l’apportant à l’organisme, on peut provoquer la production de la protéine souhaitée. Dans le cas de l’immunothérapie, l’ARNm modifié est injecté dans les ganglions lymphatiques du patient, où les lymphocytes T sont formés.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’invention de votre équipe ?

Nous avons élaboré un réactif qui peut améliorer l’ARNm modifié, en le rendant plus durable et plus apte à la traduction génétique. Il est question d’une transformation très subtile, car l’ARNm contient entre 1 et 2000 nucléotides, c’est-à-dire environ 80 000 atomes. Et, ce que nous faisons avec cette structure consiste à substituer un atome par un autre. La licence permettant de développer notre invention a été rachetée par une société allemande qui se spécialise en immunothérapie génétique. Celle-ci en a vendu la sous-licence à deux sociétés pharmaceutiques de renommée mondiale qui ont lancé des essais cliniques de thérapie par ARNm. Quant à notre équipe, nous travaillons déjà sur d’autres inventions. Notre objectif est de rendre la production de notre réactif plus efficace, nous travaillons aussi sur l’amélioration des méthodes d’administration de l’ARNm thérapeutique.

Que faudrait-il faire pour que ces vaccins soient produits en masse et pour qu’ils puissent permettre le traitement de divers cancers ?

Tous les scientifiques et les entreprises qui investissent dans ce domaine attendent que la première thérapie à base de l’ARNm soit certifiée par une agence de contrôle officielle en Europe ou aux États-Unis. C’est alors que s’ouvrira le marché, ce qui pourra accélérer les essais cliniques.

Et votre coopération avec l’étranger?

Beaucoup de nos recherches impliquent une coopération internationale. Nous faisons des annonces de recrutement dans les milieux de recherche internationaux, car nous accueillons volontiers tous les scientifiques de talent, quelle que soit leur nationalité.

 

Université de Varsovie

Centre des nouvelles technologies

Laboratoire de chimie bioorganique

cent.uw.edu.pl/en

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