Le pin est l’arbre qui domine dans les forêts européennes, en particulier dans le nord et les parties orientales du continent. De longues années d’études sur cette espèce, à travers tout le continent, démontrent à quel point le pin a dû s’adapter, dans le passé, à l’évolution des conditions environnementales. Compte tenu des changements climatiques actuels, les forêts sont confrontées à un nouveau défi majeur.

L’objectif du projet financé par le Centre national de la science, intitulé « Les tendances géographiques de la variabilité des caractéristiques fonctionnelles du pin sylvestre en Europe face aux changements climatiques et aux processus écologiques » consistait à étudier le pin sylvestre dans l’ensemble de son aire de répartition – depuis l’Espagne jusqu’à la frontière nord des forêts scandinaves. Sous la direction du professeur Jacek Oleksyn, directeur de l’Institut de dendrologie de l’Académie polonaise des sciences de Kórnik, une équipe de chercheurs a examiné 92 populations de pin sylvestre dans toute l’Europe et ils ont identifié les types génétiques au sein de cette espèce. Ceci a permis d’indiquer les refuges probables (c’est-à-dire les endroits où les espèces en voie de disparition peuvent survivre) où le pin sylvestre a survécu à la dernière glaciation. Les chercheurs ont aussi réussi à reconstruire les voies de migration de cette espèce après le retrait de la calotte glaciaire du nord de l’Europe. Ils ont constaté que les pins provenant des refuges situés en Europe occidentale et dans la péninsule balkanique, après avoir traversé le continent, ont franchi les détroits danois et ont peuplé la partie occidentale de la Scandinavie : la Suède et la Norvège. Les arbres qui ont atteint la Finlande sont les descendants de ceux qui ont survécu à la glaciation dans le refuge de la plaine d’Europe orientale, c’est-à-dire la partie occidentale de la Russie d’aujourd’hui. En Pologne, on retrouve ces deux types d’arbres, tandis que les forêts turques et espagnoles possèdent leurs propres pins génétiquement uniques.

Lire l’histoire inscrite dans les forêts

 Jacek Oleksyn a commencé ses recherches sur les pins après avoir lu le livre unique du naturaliste suédois Nils Sylven qui, dans les années 1916-1917, a publié les résultats de ses vastes études sur l’écologie des pins scandinaves. La confrontation de ces informations historiques avec les observations actuelles permet de voir ce qui a changé au cours du siècle dernier.

« La vie humaine est trop courte pour qu’on puisse observer les changements dans les populations d’arbres. Une perspective de longue durée demeure pourtant le seul moyen de confirmer ou de réfuter des hypothèses sur la manière dont nos forêts réagissaient jadis aux changements climatiques, dont elles s’adaptaient aux conditions locales, colonisaient de nouveaux territoires ou succombaient aux difficultés », explique Jacek Oleksyn.

Les scientifiques ont étudié les voies de migration de chacun des types génétiques des pins en analysant leur ADN. Ils ont également prélevé des échantillons de troncs d’arbres en les perforant pour décoder, à partir de leurs noyaux, les informations sur la croissance des arbres au fil des années. En comparant les résultats de l’analyse des noyaux avec les données météorologiques du passé, les scientifiques ont pu retracer l’impact des conditions climatiques sur la croissances des arbres. Ils ont pu aussi tenter de prédire leur réaction aux conditions climatiques futures. De plus, les chercheurs ont étudié le sol dans lequel les arbres ont poussé, ainsi que d’autres conditions environnementales.

La durée de vie d’une aiguille de pin diminue

Dans chacun des lieux étudiés, au fil des milliers d’années, les arbres se sont adaptés aux conditions locales telles que la durée du jour et de la nuit ou la température et le degré d’humidité aux différents moments de l’année. Toutefois, actuellement, le rythme rapide des changements climatiques a un impact négatif sur eux. D’après les études, la durée de vie moyenne des aiguilles de pin en Scandinavie a diminué de deux ans aux cours du siècle dernier. À l’époque de Sylven, les aiguilles vivaient et restaient dans les arbres onze ans en moyenne, contre environ neuf ans de nos jours. Ce résultat obtenu par l’équipe de Jacek Oleksyn prouve à quel point les forêts situées le plus au nord de l’Europe sont sensibles aux changements climatiques. Dans de nombreuses régions d’Europe, on observe aussi l’extinction massive des pinèdes sur des sols sablonneux où en principe les pins se sentent le mieux. Les recherches sur les arbres et leur réaction aux changements environnementaux sont en cours. Une meilleure compréhension des mécanismes de compensation, qui ont permis jadis aux pins de faire face aux changements qui se produisaient dans l’environnement, nous permettra de comprendre comment mieux protéger les forêts aujourd’hui et dans l’avenir.

 

Institut de dendrologie de l’Académie polonaise des sciences

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